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Retour sur le premier album mythique des brésiliens

à l'occasion d'un nouvel opus pour septembre


Dans toutes les collections de disque du monde, il existe des "petits" albums que l'on chéri sans trop savoir pourquoi, que l'on adore tout en ne connaissant rien sur les auteurs, des petites perles sonores que l'on garde précieusement pour soi. Puis un jour, on découvre ce qui entoure l'objet et on réalise que l'histoire est grande, qu'elle nous dépasse, nous passionne et qui rassemble bien plus de monde qu'un petit auditeur au gros casque audio.

"Os Mutantes" est de cette catégorie, l'album est un formidable voyage coloré et foutraque mélangeant la musique traditionnelle brésilienne avec le rock psychédélique, la pop et le blues notamment. Dès les deux premiers morceaux, "Os Mutantes" charme, Panis et Circense est un morceau unique, magique et envoutant. Les trompettes et les chœurs résonnent sous un air populaire, le cadre est bucolique, la carte postale fait un peu cliché puis soudain au bout de 2 minutes le rythme s'arrête puis reprend en version accélérée. Tout s'emballe alors progressivement et la danse jusque là confinée dans un léger claquement de mains se transforme en grand mouvement corporel hippie. Déroutants, les Os Mutantes viennent de "massacrer" une chanson de Veloso et Gil. A Minha Menina, second morceau, propose exactement la même chose, la chanson de Jorge Ben est reprise avec une "infâme" guitare fuzz (le passage mémorable du solo avec les chœurs endiablés bluesy).
Disque miracle où tout sonne de manière simple et spontanée, la musique des mutants est pourtant un formidable laboratoire d'idées et d'expérimentations en tout genre allant d'une bombe insecticide (sur la reprise envoutante Le Premier Bonheur Du Jour de Françoise Hardy) à l'utilisation d'effets comme le feedback.

Ce vivier expérimental trouve une certaine reconnaissance dès les années 90. En effet, Beck rend hommage à ses héros en intitulant un de ses albums "Mutations" avec la chanson Tropicalia, Kurt Cobain demande le retour sur scène du groupe en 1993 et David Byrne, tête pensante des Talking Heads, s'efforça de ressortir les trésors des brésiliens sous une compilation intitulé "Everything is Possible" en 2004 sous son label Luaka Pop.
Cette reconnaissance est tardive car ils ont longtemps été confinés dans les frontières du pays où leur style avant-gardiste avait choqué la plupart des amateurs de musique traditionnelle. En 1967 sous l'invitation de Gilberto Gil, le groupe participe au 31ème festival de la musique populaire brésilienne et déclenche la protestation de la foule (beaucoup de puristes) choquée de voir des gamins mélanger des guitares électriques avec le patrimoine acoustique brésilien jusque là jugé intouchable.
Avec cette prestation, qui rappelle un peu celle de Bob Dylan au festival de Newport en 1965, les Os Mutantes sont entrés de manière symbolique dans un nouveau courant musical qui restait jusque là dans l'ombre : le tropicalia (ou tropicalisme).

En 1964, le gouvernement de João Goulart est renversé par l'Armée Brésilienne avec l'aide des Etats-Unis. En opposition à cette dictature militaire, sorte d'utopie autoritaire prônant la sécurité nationale, un courant intellectuel apparaissait avec un verbe indépendant face à la censure imposée. Sous l'impulsion de Jorge Ben, Gal Costa, Gilberto Gil, Caetano Veloso et Tom Zé, la musique traditionnelle, emblème du pouvoir en place par son aspect conservateur, s'ouvre à d'autres espaces sonores en brassant différents styles et devient une arme de protestation, symbole de toutes les libertés.
En 1968, le tropicalisme, alors en plein essor, ne résiste pas à l'acte institutionnel n° 5 qui suspend les droits civiques des citoyens. L'album symbolique de la "résistance" "Tropicália ou Panis et Circenses" réalisé en collaboration avec tous les Bahianais (artistes du mouvement tropicalia) est censuré, tandis que Gilberto Gil et Caetano Veloso sont contraints à l'exil après un séjour en prison.
Le tropicalisme reste donc un court mouvement mais qui marque profondément les brésiliens, les consciences artistiques sont en effet bouleversées, et le Brésil ressent le besoin de s'ouvrir vers le monde malgré la pression militaire (la dictature prendra fin en 1985).
C'est dans ce contexte que les Os Mutantes se retrouvent donc sur le devant de la scène tropicalia. En jouant avec Gilberto Gil sur son album éponyme, en proposant une musique influencée par l'album des Beatles "Sgt. Pepper’s Lonely Hearts Club Band" et avec leur premier album, Rita Lee Jones et les frères Sérgio Dias et Arnaldo Baptista vont devenir les héros du mouvement, symbole de la jeunesse contestataire et libre. "Os Mutantes" est par conséquent un objet d'histoire.

Le disque est aussi un objet culturel indispensable composé de reprises de chansons issues pour la plupart du tropicalisme, poussant ainsi la pensée tropicaliste jusqu'au bout en détournant ses chansons déjà en rupture. Malgré son âge, l'album possède encore tout son charme et prend de la valeur au fur et à mesure des écoutes. Il ne sert à rien de décrire toutes les chansons une par une, ici tout est au service d'un univers enjoué, joviale, expérimentale, fou et terriblement addictif avec la complicité de l'arrangeur Rogério Duprat, surnommé le Brian Wilson brésilien.

Par la suite, le groupe réalisera "Mutantes" (1969) (sublime album lui aussi) et "A Divina Comédia Ou Ando Meio Desligado" (1970) avant de se tourner vers un rock progressif sur "Jardim Elétrico" (1971) et "Mutantes e Seus Cometas no País do Baurets" (1972). Rita Lee Jones quitte le groupe en 1972 et entame une carrière solo avec le succès international qu'on lui connait. Arnaldo Baptista est contraint de se retirer en 1973 pour des problèmes de drogues. Seul Sérgio Dias restera le membre original jusqu'en 1978, arrêtant ensuite l'aventure Os Mutantes.
Aujourd'hui, le groupe s'est reformé depuis 2006, sans Rita Lee, et même si nous n'attendons pas grand chose d'eux, un nouveau disque serait en préparation, c'était l'occasion de (re)parler de cet album magnifique. Ceux qui vont le découvrir pour la première fois verront que l'album de leur été 2009 date de 1968!

www.osmutantes.com



Os Mutantes - Panis et Circense
à voir aussi dans la compilation en vrac volume 4


Gilberto Gil et Os Mutantes - Domingo no Parque


Os Mutantes et Gilberto Gil - Dois Mil e Um


Os Mutantes - Preciso Encontrar Um Amigo (extrait du troisème album)


Bread And Circuses - Bande Annonce d'un documentaire qui n'est jamais paru (à ma connaissance)


Compilation d'extraits live d'Os Mutantes

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